CONQUÉRIR LES MOYENS DE FINANCEMENT NÉCESSAIRES POUR UNE RECONQUÊTE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Depuis trente ans, les gouvernements successifs et le patronat n’ont de cesse de stigmatiser « le trou abyssal de la Sécurité sociale » et d’enchaîner les plans d’économies pour équilibrer les comptes de la Sécu. La diminution drastique depuis dix ans du taux d’évolution des dépenses d’assurance maladie dans le cadre de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam), fixé par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, illustre parfaitement cette volonté (voir graphique « Évolution du taux de croissance des dépenses d’assurance maladie (Ondam) depuis le Plan Juppé »).
Cette obsession des économies est la cause première des reculs de notre Sécurité sociale solidaire :

  • baisse des remboursements des dépenses de santé, réduction drastique des moyens de l’hôpital public, augmentation des renoncements à des soins pourtant nécessaires ;
  • succession de réformes des retraites régressives depuis la réforme Balladur de 1993 ;
  • remise en cause de l’universalité des prestations familiales…
LA BASE DU FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EST LE SALAIRE SOCIALISÉ

Le financement de la Sécurité sociale repose encore principalement sur les cotisations sociales, assises sur les salaires qui rétribuent la force de travail. Ce ne sont pas des charges – comme veut le faire croire le patronat – mais la part socialisée du salaire qui est mutualisée entre les salariés pour répondre à des besoins sociaux, comme les dépenses nécessaires pour se soigner ou demeurer en bonne santé, les allocations familiales ou les pensions de retraite, et qui contribuent donc au bien-être des salariés et de leurs ayants droit avant, pendant et après la vie active. Ces dépenses sont donc financées par le travail des salariés, comme leur salaire direct. De ce point de vue, il n’existe aucune différence entre les cotisations sociales des salariés (qui viennent en déduction du salaire brut) ou les cotisations dites patronales. Par conséquent, quand le gouvernement diminue les cotisations dites « patronales », il baisse le salaire des salariés (et au bénéfice des profits du capital). De plus, cela n’augmente en rien le pouvoir d’achat, puisqu’il y aura forcément transfert vers l’impôt. La création de richesses par le travail dans le cadre de l’entreprise est la base du financement de la protection sociale solidaire.
Les cotisations sociales qui financent les retraites complémentaires ou l’assurance chômage font aussi partie du salaire socialisé.

L’EXPLOSION DES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS SOCIALES

Depuis une vingtaine d’années, les exonérations de cotisations sociales se sont multipliées. Elles représentent aujourd’hui près de 30 milliards d’euros par an (voir graphique « Évolution des exonérations de cotisations sociales depuis 1992 »).
Pour les salariés concernés, elles constituent une baisse de leur salaire socialisé. Aujourd’hui, dans la pratique, les cotisations sociales sont devenues progressives jusqu’à 1,6 Smic. Au niveau du Smic, il n’y a plus de cotisations de Sécurité sociale patronales, à l’exception d’une partie de la cotisation accidents du travail et maladies professionnelles (ATMP).
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018 prévoit la transformation du CICE1 en baisse de cotisations sociales, ce qui conduira à exonérer les cotisations patronales de Sécurité sociale, mais également les cotisations patronales au titre des retraites complémen1.
Le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) est une réduction de l’impôt sur les sociétés calculé en fonction des salaires payés par l’entreprise. Son effet est proche d’une exonération de cotisations sociales.taires et de l’assurance chômage. Au niveau du Smic, il n’y aura quasiment plus de cotisations employeurs au titre de l’ensemble de la protection sociale !
La majorité de ces exonérations sont compensées, soit directement par le budget de l’État, soit par affectation à la Sécurité sociale de certaines recettes fiscales, principalement les taxes sur le tabac.
Les cotisations exonérées ne sont pas financées par les entreprises – qui sont les grandes gagnantes de ce « tour de passe-passe » – mais par des mécanismes de solidarité nationale. Elles sont donc à court terme sans conséquence sur les droits des salariés : un salarié payé au Smic bénéficiera d’une retraite sur la base du Smic bien que l’entreprise n’ait pas versé les cotisations correspondantes (ses prestations de retraite seront financées par les taxes tabac qu’il soit fumeur ou non).
En revanche, certains éléments de la rémunération de la force de travail comme l’intéressement et la participation n’ouvrent pas de droits à protection sociale (ils ne sont par exemple pas pris en compte pour le calcul de la retraite, des indemnités journalières ou pour les prestations d’assurance-chômage), diminuant ainsi la part du salaire socialisé. Les spécialistes parlent d’exemptions de cotisations sociales.
La part des cotisations sociales dans les recettes de la Sécurité sociale a régulièrement diminué depuis vingt ans. Cette baisse a deux causes : l’explosion des exonérations de cotisations sociales compensées par des taxes comme celle sur le tabac, et le remplacement d’une part croissante des cotisations salariales par la contribution sociale généralisée (CSG), qui est payée également par les retraités, contrairement aux cotisations.
Actuellement, les cotisations sociales ne représentent plus que les deux tiers des ressources de la Sécurité sociale (voir le graphique « Structure des recettes de la Sécurité sociale »).

POUR UNE RÉFORME DU FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Les gouvernements successifs ont ainsi poursuivi depuis les années 1980 des politiques fondées sur la baisse « du coût du travail » et donc du salaire socialisé. Elles ont contribué à diminuer les ressources de la Sécurité sociale tout en diminuant de manière drastique les droits des assurés sociaux.
Cette politique d’austérité n’a pas permis d’équilibrer les comptes sociaux, bien au contraire. Les promoteurs de ces politiques oublient que les dépenses de protection sociale sont aussi des recettes pour l’économie : ainsi, le secteur de la santé représente plus de 10 % du produit intérieur brut. De même, les pensions de retraite permettent aux retraités de consommer et sont donc un facteur de développement économique.
La logique de ces choix économiques – baptisés économie de l’offre – est totalement contraire aux besoins des salariés et retraités, comme aux nécessités du développement économique. les exonérations de cotisations sociales dissuadent Les employeurs d’augmenter les salaires et encouragent le développement d’emplois à faible niveau de qualification et/ou précaires. C’est
tout le contraire de ce dont aurait besoin l’économie française, c’est-à-dire le développement des emplois, stables qualifiés, et bien rémunérés, pour permettre notamment la reconstruction de l’industrie et des services publics et pour conduire l’économie vers le plein-emploi. C’est indispensable pour remettre le travail au coeur de la société.

  • L’économie française souffre d’une insuffisance chronique des investissements productifs respectueux de l’environnement et facteurs de progrès social, tandis que les placements financiers et les distributions de dividendes sont de plus en plus dominants.
    C’est pourquoi la CGT propose une réforme ambitieuse du financement de la Sécurité sociale visant à remettre le travail et l’emploi au coeur du modèle productif de l’économie française.
    La Sécurité sociale doit rester financée par le salaire socialisé, mais le mode de calcul de la cotisation dite « patronale » doit être profondément réformé.
    Il faut mettre en oeuvre une logique qui pénalise les investissements financiers au profit d’une logique d’investissements productifs, créateurs d’emplois et améliorant les niveaux de qualification et de rémunération ainsi que les capacités de production. Le mode de calcul des cotisations sociales doit favoriser le développement de la masse salariale et non inciter à la réduction des salaires et du nombre de salariés. D’où notre revendication d’une surcotisation sur les contrats précaires.
    Le mode de calcul doit aussi favoriser l’investissement productif et pénaliser la financiarisation. D’où la proposition d’une réelle mise à contribution des revenus financiers des entreprises.
LES PROPOSITIONS CGT DE RÉFORME DU MODE DE CALCUL DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE
  • repenser le taux de cotisation employeurs
    Le taux de cotisation serait différencié en fonction de la masse salariale et des choix de gestion de l’entreprise par la création d’une surcotisation « patronale ». Le but serait de faire cotiser plus l’entreprise qui ferait le choix de la précarité et de bas salaires ;
  • réaliser l’égalité salariale femmes-hommes
    L’égalité salariale femmes-hommes apporterait à terme plus de 5 milliards d’euros de recettes nettes à la Caisse nationale assurance vieillesse (cotisations nouvelles nettes des prestations) ;
  • supprimer les exonérations de cotisations patronales et le CICE ;
  • déplafonner des cotisations salariales et patronales ;
  • transformer la CSG en cotisation salariale et patronale (cf. 4 pages CSG) ;
  • soumettre à cotisations sociales les fonds d’épargne salariale
    L’intéressement, la participation et l’abondement patronal au plan d’épargne d’entreprise et au plan épargne pour la retraite collective (Perco), ainsi que les stock-options et les attributions d’actions gratuites dont bénéficient certains salariés, seraient soumis à cotisations sociales et permettraient d’acquérir des droits, notamment en matière de retraite ;
  • mettre à contribution les revenus financiers des entreprises
    La CGT propose la création d’une contribution sociale assise sur les intérêts et dividendes versés par l’entreprise à ses actionnaires et aux souscripteurs d’obligations.

Document complet ci-dessus:

financement de la Sécurité sociale

Fraternellement

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